Ecole du blé en herbe de Trébédan : quand l'école ouvre ses portes au monde

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Source: Trebedan 2

Une école est un roman qui s’écrit à plusieurs mains : celles des professeurs, des parents, de l’ensemble des acteurs de l’écosystème local, et surtout celles des élèves. Une histoire collective qui doit porter une vision et une identité, pour que les enfants d’aujourd’hui deviennent des acteurs actifs du monde de demain. C’est cette vision que porte l’école primaire de Trébédan, petite commune bretonne de 300 habitants.

Lorsque Nolwenn, actuelle directrice de l’école primaire de Trébédan, prend ses fonctions il y a maintenant 15 ans, elle découvre une école aux bâtiments délabrés, sans budget, qui ne reçoit aucune attention de la municipalité. Les élèves sont obéissants, mais complètement désengagés dans leur éducation, à l’image de beaucoup de parents. S’interrogeant sur la raison de cet isolement, Nolwenn et Valérie, les deux professeurs de l’école, assistent aux conseils municipaux et y remarquent l’absence totale de priorité donnée à l’éducation. Sur 300 habitants, personne ne parle de l’école.

Recréer un lien de confiance en ouvrant les portes de l’école

Elles comprennent qu’il est urgent d’ouvrir l’école au reste du village, pour réengager les élèves, les familles et les différents acteurs de la commune. Par petites touches, les deux professeurs commencent à impliquer les parents dans des projets de jardinage, de bricolage ou de création artistique. Le premier grand pas est fait lors d’un partenariat noué avec le Club de l’Amitié : les personnes âgées du village commencent à mener des projets aux côtés des enfants, un dialogue intergénérationnel est noué qui revitalise le climat d’apprentissage.

Redonner à l’école une place dans l’identité collective

Au fil du temps, les projets prennent de l’ampleur et obtiennent le soutien d’acteurs départementaux. L’école n’ouvre pas seulement ses portes, elle dépasse également le portail de la cour de récréation et se lance dans des projets autour du village. « On a organisé des randonnées axées sur la découverte du patrimoine qui étaient ouvertes à tous, des projections de films…le but était de rendre les gens de la commune fiers de leur école et de redonner à celle-ci une place clé dans l’identité collective. Il a fallu des années pour construire cette confiance, mais elle était le terreau essentiel pour pouvoir faire ce qui allait suivre », raconte la directrice.

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S’engager dans un projet collectif

Car ce qui suivait était pour le moins ambitieux. Les deux professeurs, des élus, des parents d’élèves, des conseillers pédagogiques et des habitants de la commune se lancent dans le projet « Nouveaux commanditaires », financé par la Fondation de France. Grâce à ce programme, ils co-construisent avec une artiste un projet de rénovation de l’école, qui tombe alors en ruines. Le projet va bien au-delà de la rénovation : repenser l’organisation des lieux offre l’opportunité de réfléchir aux manières d’enseigner, au degré d’autonomie et de mobilité permis par le mobilier, à la façon dont on veut mettre en valeur les projets menés par les enfants. Le processus de définition du cahier des charges implique tous les acteurs de la commune, au premier rang desquels sont les élèves eux-mêmes, le tout en intégrant une dimension environnementale et artistique essentielles à l’identité du projet.

Redonner du sens à l’éducation

Cette rénovation est en quelque sorte la matérialisation d’un changement qui s’est fait pas à pas au cours des dix dernières années : peu à peu, les élèves ont été autonomisés, ont été rendus maîtres du rythme de leurs apprentissages, ont appris à gérer des projets de A à Z et à les présenter. L’accent a été mis sur le bien-être et le savoir-être à l’école, sur le goût de l’effort, la curiosité et la découverte. Les parents sont désormais régulièrement invités pour des présentations des projets de leurs enfants, et ces événements sont devenus des temps marquants de la vie de la commune. « En redynamisant l’école, on a finalement redynamisé l’ensemble de la commune » explique Nolwenn.

« Des obstacles structurels ? Non. Une crainte du changement. »

Quand on lui demande quels sont les obstacles structurels à ce type de changement, l’enseignante répond qu’il n’y en a peu. Certes, tout n’est pas rose, et on ne peut jamais convaincre tout le monde. Il est aussi vrai qu’il a fallu que les deux enseignantes prennent beaucoup sur leur temps personnel pour mener ces projets à terme. Cependant, Nolwenn explique que « Le premier obstacle est la crainte, la peur du risque. Il y a une demande de la part de professeurs, mais une peur d’expérimenter persiste. La liberté pédagogique dans le programme de primaire est assez large pour pouvoir se lancer dans les projets qui nous passionnent et ont du sens. L’enjeu est de savoir s’approprier cette liberté ». Le but de Nolwenn est désormais de montrer à d’autres que le changement est possible, tout en restant humble et rassurante : « le changement commence par de tous petits projets et la route est longue, mais quand on réussit à construire de la confiance et une vision collective, alors on peut se lancer dans des projets plus ambitieux ».

A ceux qui lui disent qu’elle a « de la chance » d’enseigner dans un tel cadre, elle répond que « la chance se crée : c’est du travail, de l’engagement. Si cela a été possible dans une commune de 300 habitants qui avait à peine le budget pour acheter de nouvelles tables, alors il est clair que d’autres peuvent s’engager sur cette même voie, et participer à ce grand chantier qu’est celui de l’éducation ».


L’école primaire du Blé en Herbe a rejoint en 2015 le réseau des Changemaker Schools, créé par Ashoka pour identifier, connecter et mettre en lumière les établissements scolaires qui cherchent à faire émerger la prochaine génération d'acteurs de changement.

Visionnez le micro-reportage réalisé fin 2015 au sein de l'école du Blé en herbe de Trébédan:

 

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