A l'école primaire de Lorgues, les enseignants sont des « passeurs d'espoir »

Si l’acquisition des fondamentaux est essentielle, l’école doit aller au-delà : elle doit transmettre des « savoir-faire », et des « savoir-être ». A l’école primaire publique Emile Zola de Lorgues, on forme ainsi les citoyens de demain : autonomes, responsables et acteurs de la société.

Lorgues1
Source: Lorgues1

Le directeur de l’école Emile Zola, Stéphane Bégnis, raconte l’histoire de Léa (le prénom a été modifié), en situation de décrochage scolaire lors de son arrivée dans l’école. Ayant perdu confiance en elle, elle s’intégrait mal dans la classe et se désengageait de l’apprentissage. La pédagogie mise en place à Lorgues lui a permis de changer cela. Elle travaille sur des projets dont elle décide elle-même le sujet, en collaboration avec d’autres élèves. Comme tous les élèves, elle passe désormais les tests de compétences lorsqu’elle se sent prête et est libre de développer sa créativité sur des sujets autres que purement scolaires.

« Au bout d’un mois, elle a commencé à sourire, quelques semaines plus tard, elle était capable de produire un texte, alors qu’elle osait à peine s’exprimer lors de son arrivée. Aujourd’hui elle gère son travail en totale autonomie et confiance ! » explique l’enseignant.

Ce succès est un des nombreux exemples de réussite d’une aventure collective lancée par l’équipe de cinq enseignants de l’école publique de Lorgues. Ils ont revu leurs pratiques, repensé complètement l’organisation de leur école, pour permettre aux élèves de développer toute la palette de leur potentiel : artistique, émotionnel, intellectuel, relationnel.

Autonomie, empathie et collaboration

Un espace de médiation pour régler les conflits par la discussion, un projet d’embellissement de l’école, un lieu de permaculture et de développement des pratiques écologiques :autant de projets concrets choisis et menés de A à Z par les élèves eux-mêmes. Le pari des professeurs : en travaillant de manière autonome sur leurs propres expérimentations, en décidant eux-mêmes des temps d’évaluation, en allant indépendamment chercher les réponses à leurs questions et en développant leur capacité à travailler en équipe, les élèves se réapproprient l’école et par là-même leur propre apprentissage. Ils développent leur créativité, leur empathie, leur autonomie, et en plus des fondamentaux scolaires, acquièrent les compétences essentielles au monde qui les attend.

« Ce que nous voulions pour les élèves, il a fallu qu’on se l’impose à nous-mêmes »

Avant d’en arriver là et de mettre fi n à la méthode traditionnelle d’enseignement plus «descendante », il a fallu repenser le mode de gouvernance de l’institution, la manière de gérer l’espace commun, les relations entre les professeurs et la mutualisation des pratiques pour créer une harmonie au niveau de l’établissement et développer une vision commune. Chacun s’est vu accorder la liberté d’intégrer le changement à son rythme, et des pôles ont été créés dans l’école au sein desquels chaque enseignant gère sa propre activité et se l’approprie : de la prise en charge des espaces verts et plantations à celle des ressources documentaires.

Tout cela ne s’est pas fait aisément, au contraire. « Cela a provoqué du stress, des tensions, de profondes remises en question, dans nos vies professionnelles et personnelles» raconte le directeur de l’école. « Mais cela nous a permis de recréer du lien entre nous. Nous avons appris à communiquer différemment entre adultes. Ce que nous voulions pour les élèves, il a fallu qu’on se l’impose à nous-mêmes ».

« Ce projet est fort car il est collectif. Des élèves qui observent des adultes remplis de dynamisme et d’envies de changement seront obligatoirement acteurs à leur tour. Les enseignants sont des passeurs d’espoir » affirme Stéphane.

Ouvrir le champ des possibles

Stéphane et ses collègues aimeraient donner la possibilité de répliquer leur modèle. Ils reçoivent donc des professeurs qui viennent observer leur méthode, animent des formations et impliquent fortement les parents pour accélérer le changement de mentalité. Pour le directeur de l’école, « le changement dans les écoles viendra de la base. Ce sont elles qui feront changer le système. Notre rôle est de montrer que c’est possible, et d’inciter les professeurs à devenir acteurs de ce changement. Au-delà de cela, il faut que des experts de l’éducation viennent dans nos écoles pour voir ce qu’il s’y passe et générer un élan ».Leur prochain objectif : ouvrir le champ des possibles dans l’éducation nationale, et inspirer ceux qui hésitent encore à se lancer.

 

 

L'école Emile Zola de Lorgues fait partie du réseau des Changemaker Schools, créé par Ashoka pour identifier, connecter et mettre en lumière les établissements scolaires qui cherchent à faire émerger la prochaine génération d'acteurs de changement.