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Teyfik Sahin in a classroom
Source: Gefangene helfen Jugendlichen

« Éducation, quand la télé s’en mêle ! » - Tribune d'Elsa Da Costa, La Croix

This article originally appeared on La Croix

Nous avions adoré la chaîne Lumni de France Télévisions, compagnon para-scolaire indéfectible pour les familles pendant le confinement. Notre jeunesse va-t-elle adorer M6 dans les prochaines semaines ?

Car la chaîne, qui a cessé de monter, s’intéresse de près au sujet de l’éducation. Elle prépare deux nouveaux programmes. D’abord, une série documentaire permettant de suivre une année dans un collège de Saône-et-Loire est en tournage. Pensant « réaliser le rêve de beaucoup de parents », Guillaume Charles, le directeur des programmes de M6, en oublierait presque que 67 % d’entre eux jugent que l’école ne fonctionne plus et qu’il s’agit de trouver une solution car 85 % des Français sont préoccupés par l’avenir des jeunes.

« Back in time »

Qu’à cela ne tienne, M6 a plus d’une émission dans ses budgets développement. C’est bientôt l’heure de « Back in time », format de la BBC, dont le principe est d’embarquer une classe et son professeur dans « l’école d’avant ». La version française vous fera voyager dans l’école de 1880 post-Jules Ferry, dans celle de l’entre-deux-guerres, puis dans les années 1950 avec l’ouverture à la mixité, et enfin dans les années 1970-1980. À écouter Guillaume Charles, un soin particulier sera apporté à l’authenticité des décors et des enseignements – « notamment on verra comment nous parlions de la colonisation ».

Bonne ou mauvaise idée ? Bien sûr, celui qui ne connaît pas son histoire est condamné à la répéter. Oui, mais il ne faudrait pas que l’audience de M6, âgée de plus de 46 ans, développe une nostalgie farouche à l’égard d’une école où l’élève n’avait pas voix au chapitre, mais plutôt main sur le pupitre.

Préparer au marché du travail

Seuls 37 % des jeunes Français estiment que le système éducatif les prépare correctement au marché du travail. Cela en devient vertigineux lorsqu’une publication du Forum de Davos nous apprend que 66 % des élèves qui entrent à l’école primaire exerceront un métier qui n’existe pas encore. Alors avec quels savoirs, qu’ils soient académiques ou comportementaux, devons-nous former nos jeunesses pour leur permettre de faire face aux enjeux contemporains ?

Il est temps de faire entrer les compétences de savoir-être au cœur d’une école asphyxiée par de multiples réformes, en souffrance dans sa chaire professorale, écrasée par la responsabilité de creuser les inégalités sociales, et pâtissant de la défiance parentale.

Retour en arrière

Un retour en arrière convoque dangereusement le monde d’hier. Méfions-nous du maquillage d’un programme de divertissement qui, sous couvert d’une ludification du sujet, ne pourrait qu’accentuer le constat d’un « c’était mieux avant » ou celui du « finalement, c’est pas si mal ». En conséquence, une dédramatisation d’un sujet clé de société. Celui de la place de l’école comme berceau de l’engagement citoyen, apprentissage du vivre-ensemble, qui donne sa juste place aux élèves, celle de partie prenante, une école qui leur apprend la confiance en soi, la créativité, la coopération, l’empathie et la réflexivité. Et, bien entendu, les technologies de demain adaptées aux questions environnementales et sociales.

Les enjeux contemporains qui nous traversent convoquent une nécessaire inventivité dont l’expression doit pouvoir se déployer dans les médias. Ils sont un artisan essentiel de la fabrique des récits et du collectif. Alors, pourquoi ne pas utiliser la créativité des programmes télé, associée à leur formidable pouvoir de diffusion multi-plateformes, pour plancher enfin sur un narratif inspirant et inspiré au service de l’école du XXIe siècle avec les élèves et le corps enseignant ? Pour réussir ensemble au XXIe siècle, plutôt qu’un retour en arrière, le grand récit du bon(d) en avant !

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