Arnaud Castagnède
Ashoka Fellow depuis 2010   |   France

Arnaud Castagnède

Actavista
Arnaud Castagnède ouvre une nouvelle voie pour réhabiliter efficacement les personnes disqualifiées et les chômeurs de longue durée. Arnaud fait basculer le secteur de la réinsertion professionnelle…
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Arnaud Castagnède est un alumni du réseau Ashoka. Pour plus d’information sur ce statut, veuillez nous contacter à [email protected].

 

FAIRE DES CHANTIERS D’INSERTION DES PLUS EXCLUS UNE EXPÉRIENCE DIRECTEMENT QUALIFIANTE ET PROFESSIONNALISANTE

 

IDÉE

Arnaud Castagnède démultiplie l’efficacité du processus de qualification et d’accès à l’emploi pour les personnes en situation d’exclusion, pour faire des chantiers d’insertion des plus exclus une expérience directement qualifiante et professionnalisante. Au sein d’Acta Vista, Arnaud mise sur une logique de marché et de formation axée sur les métiers en tension. Il a fait le choix d’intégrer au quotidien la formation qualifiante sur ses chantiers de restauration du patrimoine, ainsi qu’une préparation pour l’accès vers l’emploi.

 

IMPACT

Lancé en 2001, Acta Vista est le premier opérateur de chantiers d’insertion en Bouches-du-Rhône : 400 personnes sont recrutées chaque année sur 20 chantiers, qui apportent 980 heures de formation en moyenne par personne et par an. En fin de parcours, 98% obtiennent une qualification professionnelle avec 61% de "sorties positives" (emploi ou formation), soit 4 fois le taux national. Le modèle Acta Vista se développe dans le bassin méditerranéen. Une étude basée sur la réduction des coûts pour la collectivité a estimé un gain de 7 à 10 k€ généré par la collectivité par personne embauchée sur les chantiers, soit 1,5 million d’euros par an au global.

 

QUI EST-IL ?

Géomètre de formation, il retrouve Marseille après une expérience en Guyane de construction d’infrastructures avec les amérindiens en utilisant leurs techniques ancestrales. Il crée une auto-école associative pour demandeurs d’emploi, puis Acta Vista en 2001. Arnaud a aujourd’hui lancé Monuments et Habitats, ainsi que TEKIO.

This description of Arnaud Castagnède's work was prepared when Arnaud Castagnède was elected to the Ashoka Fellowship in 2010.

Introduction

Arnaud Castagnède ouvre une nouvelle voie pour réhabiliter efficacement les personnes disqualifiées et les chômeurs de longue durée. Arnaud fait basculer le secteur de la réinsertion professionnelle en concevant un processus intégré basé sur le marché dont le succès réside dans la combinaison de la qualification professionnelle et de l'accompagnement social avec une expérience de travail réelle et l'engagement d'entreprises privées.

L'idée nouvelle

Pour faciliter la réinsertion professionnelle des chômeurs les plus exclus, Arnaud a conçu un processus intégré de réinsertion basé sur la rénovation du patrimoine historique. En aidant les participants par le biais d'un soutien social, d'une orientation professionnelle et d'une expérience professionnelle dans le domaine de la construction et de la rénovation, Arnaud propose un programme de qualification professionnelle adapté, de grande valeur et certifié, le premier de ce type en France. Les participants à son programme, qui sont également salariés, apprennent à maîtriser les techniques de pointe dans le domaine de l'éco-construction, telles que la chaux écologique et l'isolation thermique en chanvre. Dotés de compétences spécialisées, ces anciens chômeurs constituent aujourd'hui une main-d'œuvre très recherchée par les entreprises de construction privées qui manquent de personnel qualifié pour les marchés émergents.

Arnaud a créé une entreprise sociale qui a été reconnue comme un leader du marché dans le domaine de la réinsertion professionnelle. Son organisation, Actavista, compte six succursales régionales et réalise un chiffre d'affaires de 8 millions d'euros ; elle est considérée comme le leader des entreprises de réinsertion professionnelle dans le sud de la France (les Bouches-du-Rhône). En systématisant la sous-traitance et la co-traitance avec de grandes entreprises de construction privées, Arnaud renforce les synergies avec le secteur privé. Il démontre la valeur des employés qualifiés, facilite leurs processus d'embauche et modifie profondément les pratiques de recrutement. Résultat : 65% des employés d'Actavista sont embauchés ou poursuivent leur formation à l'issue de leur contrat de six mois ou d'un an avec Actavista, soit un taux de réussite quatre fois supérieur à la moyenne nationale des programmes de réinsertion professionnelle.

Conscient que son approche de l'insertion professionnelle peut s'appliquer à diverses situations d'exclusion et qu'elle est facilement reproductible, l'impact qu'il vise à produire est approuvé et reconnu au niveau européen. Arnaud prévoit d'étendre Actavista au marché mondial en multipliant son programme autour de sites de rénovation du patrimoine historique. Il construit ainsi l'infrastructure nécessaire pour former d'autres entreprises de réhabilitation et sensibiliser les entreprises privées à son approche de la réhabilitation. De plus, le centre de formation d'Arnaud délivre des diplômes de certification en éco-construction et en entrepreneuriat social.

Le problème

Au cours des 40 dernières années, des changements économiques, politiques et démographiques rapides en Europe ont entraîné l'exclusion d'un nombre croissant de personnes du marché du travail, les conduisant à des situations précaires. Les travailleurs non qualifiés, les immigrés et les personnes issues de zones défavorisées sont les premières victimes de l'inégalité dans une Europe à deux vitesses. En France, par exemple, 7 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et plus d'un million sont au chômage depuis plus d'un an.

Depuis les années 1970, des entrepreneurs sociaux ont décidé de s'attaquer au problème du chômage en créant des entreprises de réinsertion subventionnées pour faciliter la réintégration des populations les plus exclues dans la vie sociale et professionnelle. Cependant, malgré la croissance de ces entreprises publiques à travers la France, elles n'ont jamais réussi à faire face au problème vaste et complexe de l'exclusion : En moyenne, seuls 17 % des personnes qui franchissent la première étape du processus de réinsertion parviennent à obtenir un emploi ou une formation. Cette situation s'explique en partie par la fragmentation du secteur de la réinsertion. Un chômeur passe généralement d'une entreprise de réinsertion à l'autre, sans coordination entre elles, et consacre la majeure partie de son temps à des activités professionnelles, plutôt qu'à des formations professionnelles et à des qualifications spécialisées. Sans compétences professionnelles ou spécialisées, les participants aux programmes de réinsertion ont du mal à se faire embaucher, car ils souffrent déjà d'une mauvaise réputation auprès des employeurs en étant considérés comme des « travailleurs à risque ».

En termes de demande, les marchés en expansion recherchent des travailleurs peu qualifiés, mais ont des difficultés à les recruter. Par exemple, dans le secteur de la construction, 500 000 emplois restent vacants chaque année. Cette lacune pourrait être comblée par des formations et des qualifications professionnelles appropriées. Le risque d'être au chômage diminue au fur et à mesure que les qualifications augmentent : Le taux de chômage des personnes sans qualification est de 38 %, alors qu'il n'est que de 16 % pour les personnes ayant une qualification professionnelle et de 6 % pour les titulaires d'un diplôme universitaire.

La systématisation des formations professionnelles doublerait les chances des personnes marginalisées de trouver un emploi. Elle créerait également de nouvelles opportunités pour le secteur privé en mettant les entreprises en contact avec les travailleurs qualifiés appropriés. Enfin, les subventions publiques pour les programmes de réinsertion étant en baisse, le partenariat avec des entreprises privées ouvre la voie à de toutes nouvelles sources de financement. Construites sur un nouveau modèle économique indépendant du financement public, les entreprises de réinsertion pourraient avoir un avenir prospère sur les marchés européens et mondiaux.

La stratégie

Arnaud saisit ces opportunités pour ouvrir une voie innovante à la prochaine génération d'acteurs de la réhabilitation professionnelle. En 2001, il a fondé Actavista, reconnaissant l'énorme potentiel d'un marché du patrimoine historique qui exige la renaissance des compétences en matière d'écoconstruction. Son processus de réhabilitation innovant et personnalisé comprend trois volets :

1) Une qualification certifiée, obtenue par des cours sur place et en classe sur les techniques d'éco-construction 2) Un accompagnement qui détermine la situation d'exclusion de chaque individu et le met en relation avec une orientation professionnelle et des solutions adaptées à ses besoins spécifiques (alphabétisation, permis de conduire, etc.) 3) Un accompagnement à la fin du contrat de réinsertion qui facilite l'embauche en surveillant le marché de l'emploi et en présentant les travailleurs aux entreprises privées.

Chaque année, plus de 350 personnes sont accompagnées et formées par Actavista. Pendant leur période de formation, elles occupent des emplois valorisants au sein des six antennes opérant sur 20 sites de rénovation du patrimoine historique et naturel. Au cours de leur formation de six mois à un an, les participants bénéficient de 540 heures de formation professionnelle. Pour la première fois dans le domaine de la réhabilitation, Arnaud permet aux participants d'obtenir une qualification professionnelle certifiée à l'issue de leur formation. Désormais reconnues comme qualifications officielles, les formations d'Actavista sont prises en charge par les institutions françaises chargées de collecter la taxe sur la formation continue auprès des employeurs.

Alliant professionnalisme et efficacité, le succès sans précédent d'Actavista change la mauvaise réputation des organismes de réinsertion professionnelle, de programmes inefficaces subventionnés par les pouvoirs publics à des partenaires de recrutement à forte valeur ajoutée pour les entreprises de construction. Arnaud saisit cette opportunité en co-contractant ou en sous-contractant avec des entreprises en exploitant des sites de rénovation communs et en partageant la gestion des ressources humaines. Il a également associé Actavista à l'Association nationale des techniques traditionnelles de construction et à l'Office national des forêts. Ces stratégies renforcent son modèle économique et garantissent la pérennité d'Actavista si les aides publiques venaient à disparaître dans les années à venir.

Pour nouer et entretenir des relations avec les entreprises de construction, Arnaud a créé un groupe à but non lucratif composé de six antennes capables d'ancrer leurs activités sur un territoire donné et d'intégrer les réseaux d'entreprises locaux. Structuré comme un réseau d'antennes régionales, Actavista peut également réduire ses coûts en mutualisant certains services (fournisseurs, comptabilité ou communication). Actavista dispose actuellement d'une équipe de 43 personnes, dont 40 % se consacrent à l'aide sociale et 60 % à la formation professionnelle sur le terrain et en classe.

Afin d'optimiser le placement professionnel des participants à l'issue de leur formation, Arnaud a créé un service spécialisé chargé de surveiller les marchés du travail régionaux, d'identifier les offres d'emploi et de les mettre en relation avec les travailleurs appropriés d'Actavista, grâce à une base de données de suivi centralisée. Il a également lancé une agence d'intérim qui s'adresse aux personnes peu qualifiées et qui est gérée par d'anciens employés d'Actavista.

Les dix dernières années ayant été consacrées au développement d'un modèle de qualité, Arnaud souhaite maintenant étendre son idée à d'autres régions et pays ayant un patrimoine historique et des besoins de restauration, comme le Maroc. Il va également systématiser sa méthodologie innovante basée sur un accompagnement personnalisé et des formations à forte valeur ajoutée. Pour structurer sa stratégie de développement au niveau européen, Arnaud a mis en place un groupe de travail soutenu par l'Union européenne et rassemble des entreprises de construction et des organisations citoyennes (OC) des pays du bassin méditerranéen, tels que l'Italie, Chypre et Malte. Cela a conduit au lancement de la construction du premier centre de formation européen sur les techniques du patrimoine historique et l'entrepreneuriat social. En septembre 2010, il a proposé des formations communes aux travailleurs des entreprises de réinsertion, des entreprises de construction d'entreprises et des organisations européennes qui souhaitent mettre en place un département d'intégration professionnelle. Le centre propose un diplôme européen et est le premier centre de formation certifié géré par une entreprise de réinsertion.

La personne

Diplômé géomètre-topographe, Arnaud débute sa carrière en Guyane en tant qu'ingénieur à l'Office national des forêts. Il gravit rapidement les échelons et prend goût à travailler sur des projets communautaires de développement de l'habitat et des infrastructures touristiques. Ces projets impliquent la population amérindienne locale dans le développement communautaire et donnent à Arnaud l'idée de baser les travaux de construction de son entreprise de réhabilitation sur les savoir-faire locaux, les techniques ancestrales et les matériaux naturels. Quelques années plus tard, Arnaud a également appliqué ses expériences de développement communautaire à un projet minier écologique, où il a combiné la réinsertion professionnelle de la population Hmong exclue avec des techniques écologiques pour préserver l'environnement autour de la mine.

Enrichi par ces expériences, Arnaud est retourné en France, où il a terminé sa carrière de géomètre, pour poursuivre des projets d'insertion professionnelle. Le manque de mobilité étant l'un des principaux obstacles à l'emploi, Arnaud a d'abord lancé une auto-école associative pour les demandeurs d'emploi. Il commence à constater la déconnexion entre le marché du travail et les demandeurs d'emploi, et observe l'inefficacité du secteur de l'insertion. Arnaud décide alors de créer son propre dispositif, Actavista, et fort de ses expériences précédentes, il choisit la rénovation du patrimoine historique pour servir son action de réinsertion. Dès le départ, Actavista se distingue des autres acteurs de l'insertion par son positionnement éco-construction, son professionnalisme et l'efficacité de son modèle économique.

Arnaud a créé une entreprise sociale à la frontière du privé et du citoyen. Conformément à son objectif de donner accès à des formations de pointe en éco-construction aux personnes les plus exclues, il a rejoint plusieurs réseaux pour rester à la pointe des nouvelles innovations. Le label PRIDES lui permet de recueillir régulièrement des informations sur les nouvelles techniques et de rencontrer des acteurs clés. C'est ainsi qu'il a développé des avantages concurrentiels forts et qu'il maîtrise aujourd'hui l'isolation thermique à la chaux et au chanvre.

Arnaud est également très engagé et reconnu dans les réseaux de l'entrepreneuriat social en France. Convaincu que son processus d'insertion professionnelle est facilement reproductible, il souhaite diffuser ses méthodologies sur le terrain. Par exemple, la base de données et les applications logicielles de gestion des connaissances qu'il a spécifiquement développées pour mieux suivre ses bénéficiaires, sont désormais disponibles pour d'autres entreprises d'insertion.