Rencontre avec Diane Dupré La Tour fondatrice Les petites cantines

Diane Dupré La Tour est fellow Ashoka depuis 2020. Elle a fondé "Les Petites Cantines" dont la raison d'être est de créer un réseau non lucratif de cantines de quartier, où les convives s'accueillent et se rencontrent au travers de repas durables, participatifs et à prix libre. Les Petites Cantines s'appuient sur l'entraide et l'intelligence collective pour contribuer à la construction d'une société fondée sur la confiance, l'empathie et l'attention aux autres.
Diane Dupré La Tour fellow Ashoka depuis 2020 (cheveux attachés et yeux bruns) est au cente de l'image accoudée dans une cuisine
Source: Diane Dupré La Tour

Sélène, stagiaire de choc au sein de l'équipe Ashoka France, est allée à la rencontre de Diane : 

Peux-tu revenir sur la genèse de ton projet : quelles ont été les étapes importantes, comment as-tu réussi à le créer et le mettre en place... ?

Ce projet est né de la rencontre avec Etienne Thouvenot, à la suite d’un accident de voiture qui m’a permis de nouer des relations de qualité profonde avec des voisins et des voisines, y compris ceux et celles que je ne connaissais pas. Les Petites Cantines sont donc un réseau non lucratif de cantines de quartier dans lequel les convives s’accueillent et se rencontrent, au travers de repas durables, participatifs et à prix libre. En cuisinant, partageant un repas ou d’autres activités, les habitants peuvent tisser des relations de qualité avec des personnes très différentes, en termes d’âge, de parcours de vie ou encore de nationalité. Pour que ces rencontres se passent bien, nous nous appuyons sur un ingrédient magique : la confiance. 

On dit des Fellows Ashoka qu'ils œuvrent au changement systémique ; peux-tu nous expliquer quels sont les enjeux profonds auxquels "Les petites Cantines" répondent ?

Notre projet est systémique car il répond à deux besoins primaires : manger bien et se sentir lié aux autres. Quand les habitants et habitantes poussent la porte, ils et elles passent de la posture d’habitants et habitantes, souvent anonyme (les habitants ont peu conscience qu’ils partagent un « habitacle » commun, qu’il s’agisse de la planète ou de leur quartier) à une posture de convives où chacun est invité à prendre sa place, à s’asseoir à la même table. Enfin, certains d’entre eux passeront à la posture de citoyens et citoyennes, c’est-à-dire qu’ils prendront conscience de leur pouvoir d’agir, et de changer les choses à leur échelle, en commençant par choisir de replacer la qualité des relations au cœur de leur quotidien. En découle ensuite le plaisir de faire des projets ensemble
La cantine est donc une sorte de refuge dans laquelle les habitants vont pouvoir vivre une expérience positive de l’altérité : une réelle expérience transformatrice ! D’ailleurs, quand une personne va vivre une expérience transformatrice, elle va alors être capable de transformer son écosystème. 
Imaginez l’impact de cette expérience, s’il existe demain un réseau de 20 à 30 cantines dans les villes en France, que chaque cantine fédère entre 2000 et 3000 habitants, et que chacun transforme un petit environnement de 10 personnes dans son entourage : un bel effet boule de neige ! 

A quel moment Ashoka est intervenu dans ces précédentes étapes ?

Nous avons croisé la route d’Ashoka en 2019, soit trois ans après la création des Petites Cantines. Avec quatre cantines ouvertes et quelques équipes en phase projet, nous étions au démarrage de la phase essaimage.

Comment Ashoka a pu t'aider ? 

Ashoka a cru dans le projet. Ce réseau nous a aidé à rencontrer d’autres acteurs et actrices de l’écosystème. Ils ont adopté une super posture d’entraide et nous ont aidé à nous mettre en relation pour une opportunité d’essaimage en Belgique. 
Il est aussi très sain d’avoir pu échanger avec les membres de l’Ashoka Support Network, d’avoir des regards extérieurs avec des personnes ayant des carrières brillantes et n’émettant aucun jugement. 
Enfin, la bourse Ashoka m’a aidé à un moment de ma vie où j’étais vulnérable ce qui m’a permis de continuer à me focaliser sur mon projet. 

Aujourd’hui : où en est votre projet ? Comment ça se passe ? 

Six ans après sa création et deux ans après avoir été élue Fellow Ashoka, nous avons aujourd’hui développé une véritable communauté apprenante avec une vingtaine de structures juridiques. C’est une marque qui est partagée avec un ADN qui est fort et une identité qui se retrouve dans tous les collectifs d’habitants et habitantes. C’est une réelle expérience de gouvernance partagée avec une culture de la confiance ancrée dans les organisations. Il nous reste encore plusieurs sujets à approfondir : le modèle économique du réseau, l’accompagnement du rôle de Responsable de cantine, ou encore la diffusion des bonnes pratiques d’animation de communauté au sein de toutes les cantines.

Quels sont les retours des usagers/habitant.e.s ? 

Avant de participer à des formations, les convives ne se rendaient pas compte qu’il y avait un projet de société derrière les Petites Cantines. Maintenant, ils viennent me voir en me disant qu’il faut « témoigner ». Ils se placent comme de véritables acteurs et actrices ! 

Quels sont les défis/les besoins que tu rencontres actuellement et où Ashoka pourrait t’apporter une aide ? 

Les défis que nous rencontrons sont multiples : comment grandir sans grossir ? Comment être plus créatif sur notre modèle économique ? Comment s’organiser en interne de manière innovante ? Comment profiter des expériences des pionniers et pionnières au regard des défis que représente le numérique ?

Quelles sont les perspectives des Petites Cantines ? 

Nos objectifs sont d’accueillir une quarantaine de Petites Cantines au sein de la communauté apprenante, d’avoir un plaidoyer décuplé et de ritualiser les parcours de formation. Nous réfléchissons également à élargir notre modèle de développement, afin d’ouvrir nos ressources à un maximum de porteurs de projet. Objectif : que la France soit le premier pays européen à disposer d’un maillage national et dynamique de cantines de quartier, véritable terreau d’un lien social valorisant la diversité et les relations de confiance.